Interview : « Nous devons être des citoyens exemplaires qui travaillent pour la productivité et non pas des citoyens qui tendent la main », dixit le président de la Fédération Nigérienne des Personnes Handicapées, M. Nouhou Oumarou Sido

Le président de la Fédération Nigérienne des Personnes Handicapées, M. Nouhou Oumarou Sido Le président de la Fédération Nigérienne des Personnes Handicapées, M. Nouhou Oumarou Sido

Les personnes handicapées constituent un groupe de personnes dont l’importance en potentialité est aujourd’hui une évidence au Niger, cependant, elles continuent d’enregistrer le plus faible taux d’inclusion, en raison des pesanteurs socioculturelles et de plusieurs autres facteurs discriminatoires. Mais, sans conteste, l’inclusion socioéconomique de cette partie de notre population est toute aussi indispensable à l’amorce d’un développement durable au Niger. Aussi, à un moment où les travailleurs et les peuples aspirent profondément à un emploi décent et une vie digne, quelle appréciation fait-on de l’application de la justice sociale en faveur des personnes handicapées au Niger ? Pour en savoir plus, nous avons approché le président de la Fédération nigérienne des personnes handicapées, M. Nouhou Oumarou Sido, qui a bien voulu nous accorder une interview. Lisez plutôt :

Echos des Travailleurs Indépendants (ETI) : Veuillez présenter votre structure à nos lecteurs, s’il vous plait.

M. Nouhou Oumarou Sido : La Fédérations Nigérienne des Personnes Handicapées est un regroupement de 25 Organisations de/ou pour personnes handicapées. De ces Organisations, il y a sept (7) qui sont de type catégoriel, ça veut dire par type de handicap, les 18 autres sont des Associations pour personnes handicapées. La Fédération a été officiellement reconnu en juillet 1998, nous sommes implantés dans les huit (8) régions du Niger et dans plusieurs départements et communes également. Nous avons été à l’avant-garde pour l’adoption des textes législatives relatifs à la protection et à la promotion des droits des personnes handicapées et nous avons également mené le plaidoyer pour la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Notre travail se concentre essentiellement sur le plaidoyer et le renforcement des capacités. Le plaidoyer pour que tout processus de développement prenne en compte les personnes handicapées et les intègre, et le renforcement des capacités de nos Organisations pour que, quand on installe une section régionale, départementale ou communale, cette section soit assez forte pour être représentative des personnes handicapées.

ETI : Qu’est-ce qu’on doit entendre par personne handicapée ?

M. Nouhou Oumarou Sido : Généralement chez nous, quand on parle de personnes handicapées, on voit tout de suite les personnes qui ne voient pas, qui ne marchent pas, qui n’entendent pas etc… Ce qui n’est pas tellement faux, mais la réponse n’est pas complète. Selon la Convention relative aux droits des personnes handicapées, il n’y pas de définition de la personne handicapée, mais il y a une description qui est faite à l’article 1 de ladite Convention et selon cette description, on entend par personnes handicapées, les personnes qui présentent des incapacités physiques sensorielles, mentales ou intellectuelles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. Ça veut dire concrètement que les personnes handicapées sont des personnes qui ont des déficiences mais aussi que leur participation est limitée ou entravée par des barrières. Ces barrières peuvent êtres des barrières physiques, des barrières comportementales, des barrières communicationnelles et des barrières institutionnelles, donc la combinaison entre les personnes qui ont des incapacités et l’interaction avec leur environnement qui n’est pas facilitée fait qu’on parle de personnes handicapées, par exemple, je suis handicapé parce que je rencontre des barrières dans mon environnement. S’il n’y a pas de barrière alors il n’y a pas de handicap ou il y a moins de handicap.

ETI : Quels sont les droits spécifiques des personnes handicapées en milieu de travail ?

M. Nouhou Oumarou Sido : Au Niger il n’y a pas de droits spécifiques pour les personnes handicapées au niveau du travail, il y a des dispositions qui font la promotion du droit au travail ou du travail des personnes handicapées, telles que l’article 21 de l’Ordonnance 93/012 du 2 mars 1993 qui a été repris dans la loi 2019/62 du 10 décembre 2019, réaffirmée par le Décret du 12 juillet 2021. Cette disposition fait que, au Niger si vous devez employer au moins 20 personnes, alors 5% de ces 20 personnes doivent être des personnes handicapées, si au niveau de la fonction publique on trouve 100 personnes, on doit trouver cinq (5) personnes handicapées parmi les 100 personnes là. Autrement dit, quand on classifie tous les fonctionnaires du Niger, on doit trouver que 5% de ces fonctionnaires sont des personnes handicapées. Cette disposition n’est pas seulement pour l’Etat, pour le secteur public, mais même au niveau de secteur privé, c’est inscrit dans le code de travail et elle doit être respectée comme ça. Ainsi au Niger, dans n’importe quelle entreprise qui emploi au moins 20 salariés, on doit trouver que 5% de ces 20 salariés sont des personnes handicapées.

ETI : Quelle est la situation du respect de cette disposition :

M. Nouhou Oumarou Sido : D’abord les personnes handicapées sont combien au Niger ? Selon le Recensement Général de la population et de l’Habitat de 2012, les personnes handicapées seraient au nombre de 715.497. Alors, à se demander : parmi ces personnes handicapées, combien ont accès au travail ? C’est très peu de personnes handicapées. Pourquoi ? Parce que le processus de la formation qui permet d’avoir un diplôme et de travailler n’est pas inclusive. C’est pourquoi très peu de personnes handicapées ont de diplômes qui leur permettent d’exercer un emploi ou un travail décent. Maintenant, est-ce que la disposition en matière de promotion de travail des personnes handicapées est respectée ? Elle est assez mal respectée. Je voudrais féliciter le Gouvernement parce que c’est le Gouvernement qui respecte le mieux cette disposition. Au niveau de la Fonction publique, dans tous les concours on fait en sorte que les 5% qui sont dédiés aux personnes handicapées ressortent, même si là encore le Ministère de la Fonction publique ou certains cadres de la Fonction publique ont essayé de dénaturer cette disposition pour qu’il y ait très peu de personnes handicapées qui soient inclues à la Fonction publique.

C’est le lieu de remercier également le Premier Ministre actuel, Son Excellence Mr Mahamane Lamine Zeine, parce que dès son entrée en fonction, il a fait circuler une lettre à l’intention de l’Administration nigérienne pour le respect scrupuleux de cette disposition tendant à promouvoir l’emploi des personnes handicapées. Cependant, il y a encore beaucoup de résistance au niveau de l’Administration publique même, et au niveau du privé il n’y a pas de mesure qui nous permet d’apprécier que cette disposition est respectée, donc je peux dire que le respect de cette disposition reste encore assez moyen. Et il faut relever que pour faire la promotion de travail des personnes handicapées, il ne faut pas s’arrêter au quota seulement de 5%, mais il faut passer par d’autres moyens tels que la promotion de l’entreprenariat privé et l’auto emploi des personnes handicapées. En effet, les personnes handicapées sont en majorité des personnes qui n’ont pas de diplômes et si on n’a pas de diplôme même si on donne un quota de 50%, on ne peut pas en bénéficier. D’où l’idée pour nous de lancer un appel pressant au niveau du Gouvernement pour que, avec la promotion du travail des personnes handicapée, il faut également promouvoir l’entreprenariat et l’auto emploi des personnes handicapées.

ETI : Avez-vous un autre appel à lancer au Gouvernement et quel message adressez-vous aux personnes handicapées elles-mêmes ?

M. Nouhou Oumarou Sido : L’appel que je voudrais réitérer à l’endroit du Gouvernement, c’est la réhabilitation du fonds de soutien aux personnes handicapées. Pour rappel, dans le cadre de la lutte contre la mendicité, de la promotion de l’entreprenariat privé et de l’emploi des personnes handicapées, il a été créé ce qu’on appelle le fonds national de soutien aux personnes handicapées, en 1999 sous le régime de feu Daouda Malam Wanké. Des centaines de personnes handicapées en ont bénéficié entre 1999 et 2018. Ce fonds a permis à certains d’apprendre des métiers et à d’autres de démarrer des activités génératrices de revenus. Malheureusement, en 2018 alors que nous avons rencontré le Gouvernement d’antan et que la promesse nous a été faite que le fonds national de soutien aux personnes handicapées allait être substantiellement accru, ledit fonds a été suspendu. Malgré tous nos plaidoyers, le fonds national de soutien aux personnes handicapées reste encore suspendu. Donc l’appel que je voudrais lancer à l’endroit des autorités, c’est de voir comment on peut réhabiliter ce fonds, et comment on peut utiliser ce fond comme un catalyseur pour booster l’emploi des personnes handicapées et l’entreprenariat privée, parce que, moi à chaque fois que j’entends : « les mendiants nigériens ont été rapatriés de tel pays, tel pays a pris des mesures pour rapatrier des mendiants handicapés », je n’arrive pas à dormir, j’ai très mal. J’ai très mal parce que dès qu’on parle de mendiants, surtout pour la société nigérienne, on y voit des personnes handicapées. Mais de nos jours, il y a beaucoup plus de mendiants non handicapés que de mendiants handicapés. En ce qui nous concerne, nous voulons lutter contre la mendicité des personnes handicapées, à travers la prise en charge des personnes âgées, l’auto emploi et l’entreprenariat privé des personnes handicapées qui ont l’âge de travailler et qui peuvent encore travailler, et surtout la scolarisation en masse des enfants handicapés parce qu’un enfant handicapé qui ne va pas à l’école aujourd’hui est un mendiant potentiel de demain.

A l’intention des personnes handicapées, je voudrais dire que la situation a longtemps changé ; nous devrons être aussi actives et prêtes à travailler pour le développement de notre pays. Nous y parviendrons en restant unies et en menant le combat pour l’autonomisation, pour notre dignité, pour la dignité du Niger et de l’Afrique. Nous devons être des citoyens exemplaires qui travaillent pour la productivité et non pas des citoyens qui tendent la main.

Propos recueillis par Boubacar Hamani

Et Amina Tidjani

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Last modified on Friday, 03 May 2024 03:13

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Le matinal 2 décembre 2022

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